UNIS POUR LES CAROTTES

Katie Miller, Dr Phil Simon et Micaela Colley qui sélectionnent des racines à El Centro en Californie, en février 2019

ALÉBIO renvoie à Amélioration des légumes biologiques au Canada, un programme collaboratif de recherche à la ferme qui dure depuis cinq ans entre le Centre for Sustainable Food Systems de l’Université de la Colombie-Britannique, L’initiative de la famille Bauta et des agricultrices et des agriculteurs de partout au pays. Le but de ce programme est de renforcer le secteur canadien des semences de légumes agroécologiques en faisant des essais et en créant des variétés qui offriront un bon rendement dans différents contextes régionaux. Grâce aux essais de variétés à la ferme, les gens sur le terrain, ainsi que ceux au centre de recherche de l’université peuvent produire diverses variétés en plus grandes quantités, partager des données sur chacune d’entre elles et évaluer leur rendement.

Dans le cas des carottes, les essais ALÉBIO ont mené à un projet de sélection végétale participative. Celui-ci a été mis sur pied lorsque les agricultrices et les agriculteurs ont découvert que toutes leurs variétés favorites dans les essais étaient des hybrides. Ces derniers tenaient vraiment à sélectionner une variété de carottes orange pour l’entreposage à pollinisation libre qui offrirait un rendement comparable à celui des hybrides, mais qui serait plus facile à reproduire et à maintenir pour eux. Ils voulaient de plus assurer l’accès local à une bonne variété à pollinisation libre, puisque les variétés hybrides détenues par une entreprise peuvent être délaissées sans préavis, laissant ainsi des personnes en plan. La variété ALÉBIO Orange, ainsi que la variété de carottes rouges ALÉBIO Fireglow feront l’objet d’essais à travers le Canada en 2023 pour peaufiner les sélections.

David Catzel, qui est responsable de la sécurité alimentaire chez FarmFolk City Folk en C.-B., et aussi coordonnateur régional de L’initiative Bauta dans cette province, est impliqué dans le projet de carottes ALÉBIO depuis le début. On lui a demandé de planter une sélection de semences de carottes rapportées soigneusement par son collègue Chris Thoreau de chez un sélectionneur de l’USDA dans le sud des États-Unis. David raconte ce qui s’est passé : « Je les ai très prudemment mises dans du sable, je les ai gardées au congélateur jusqu’au printemps, je les ai plantées à la Ferme des semences et elles ont toutes été mangées par les limaces en deux jours! C’est comme ça que j’ai commencé le projet et j’essaie de me racheter depuis ce temps‑là! C’est drôle aussi parce que juste avant, Chris avait fait une longue publication sur les réseaux sociaux à propos de tout ce qu’il a dû faire pour obtenir les certificats phytosanitaires et de la longue traversée jusqu’à la frontière, et voilà ce qui est arrivé. Heureusement, il avait des semences de secours pour toutes ces populations et nous avons pu les planter et poursuivre le projet. Pour moi toutefois, ce fut la plus grande leçon du projet : quand plusieurs personnes sont impliquées et que les choses tournent mal, ce n’est pas si grave. »

Depuis le début, cinq personnes différentes ont participé aux essais et à la sélection de carottes dans le cadre du programme ALÉBIO. L’une d’entre elles est John Pattison, de Bright Farm à Salt Spring Island en C.-B : « En tant que petite ferme biologique locale, notre définition de ce qu’est une bonne carotte n’est pas la même que celle d’une grande exploitation agricole industrielle. Le projet de sélection végétale participative ALÉBIO permet de créer une carotte qui reflète les besoins et les valeurs des petites fermes comme la nôtre. Cela nous aide ensuite à servir la communauté locale et à satisfaire ses attentes alors que nous nous attaquons ensemble à la souveraineté alimentaire, et cela compte beaucoup pour nous. »

Comme tous les travaux qui portent sur les semences, c’est un travail qui prend du temps. Il faut des années pour élaborer des variétés de carottes et chaque année amène son lot de défis économiques et agronomiques. Malgré tout, David juge que c’est un travail qui en vaut la peine : « Ce projet est un moyen pour les semencières et les semenciers, et la communauté agricole de repenser les programmes de sélection publics et d’acquérir plus d’expérience en faisant ces travaux collectivement afin de garder les semences dans le domaine public. »

Crédits

Merci à Meredith Davis de Good Roots Consulting qui a réalisé l’entrevue pour cette histoire.